Comment progresser en parapente ?
Une petite dame sympathique après un beau vol en tandem au dessus du Puy de Dôme. A l’atterrissage: « c’est vraiment sensationnel » ! L’occasion hivernale, au coin du feu, de faire le point sur nos cinq sens et leurs utilités en parapente.
Les cinq sens en parapente
La pratique du parapente (et du deltaplane) permet de profiter au maximum de ses sens. C’est d’ailleurs un des bienfaits de notre pratique : se sentir hyper vivant, présent, attentif à son environnement.
On se propose ici de lister chacun des cinq sens (vue, toucher, ouïe, odorat, goût) et de voir dans quelle mesure ils servent lors de nos vols. Mais aussi comment éventuellement améliorer ses performances sensitives pour mieux voler.
Tout ceci en ayant conscience que l’on peut aussi voler sans être toujours dans une démarche analytique et de recherche de performance. Dis autrement on peut parfaitement voler sans se prendre la tête même si réfléchir à ses cinq sens en parapente pourrait intéresser certains pratiquants.
Nos maîtres les oiseaux
Certains de nos « maîtres à voler », à savoir les oiseaux (migrateurs, rapaces etc.) ont des sens démultipliés qui leurs permettent de mieux capter les situations. L’utilisation des sens se composent de deux parties. Des récepteurs pour chacun des sens plus ou moins développés à la base selon les espèces et plus ou moins entraînés. Et des capacités neuronales de traitements de ces sens par le cerveau. Certains animaux ont par exemple, proportionnellement des dizaines de fois plus de matière grise pour traiter la vue, l’ouïe ou l’odorat que les humains.
La vue en parapente
Avant d’aller plus loin nous vous conseillons, pour une pratique régulière, le port de lunettes de qualité aussi bien pour vous protéger du soleil que du vent relatif.
En volant il faut regarder partout autour de soi, encore plus qu’au sol. De nombreuses choses sont importantes à voir, en mode « trois dimensions », en tenant en compte de l’évolution de sa hauteur.
Il faut d’abord, sans cesse et continuellement se positionner par rapport au sol afin de ne pas le heurter mais au contraire lors de la phase d’approche et d’atterrissage se poser en douceur et généralement face au vent.
Voir la masse d’air
Il faut également chercher des éléments visuels permettant de « voir le vent ». Contrairement à la navigation en mer ou en rivière où l’on voit le fluide (eau) dans lequel on évolue, en parapente l’air est « invisible » mais des marqueurs nous permettent d’y voir plus clair : les traditionnelles manches à air au décollage et à l’attéro, le mouvement de la végétation (feuille, branche), les fumées et éventuelles poussières, la forme des nuages, leurs ombres et leurs déplacements, la dérive des oiseaux et autres aéronefs (face, travers ou dos au vent), éventuelle risée sur une surface aquatique (mer, lac…) etc.
Tout ceci permet de se faire une sorte de carte mentale de l’aérologie où l’on évolue, d’où vient le vent, à quel force, régularité, où sont les éventuelles ascendances et descendances etc….
Voir les autres
Il est également très important de voir les autres aéronefs aussi bien pour éviter le risque de collision en vol que pour comprendre la masse d’air. Une maxime aéronautique dit « voir et être vu ». Il faut anticiper les trajectoires des autres aéronefs donc les voir mais également anticiper leurs positions futures et déterminer s’il faut éventuellement corriger sa trajectoire pour éviter une collision ou rapprochement trop risqué.
Voir son propre parapente
La vue permet également de surveiller son propre aéronef : la voile est-elle bien démêlée au sol, contrôle visuel au moment de décider de décoller, bien gonflée en vol, les suspentes bien alignées(*1), éventuelle fermeture ou cravate à visualiser, position de la voile au dessus de soi sur les 3 axes (tangage, roulis, lacet) etc....
(*1)Les constructeurs nous proposent normalement des couleurs de suspentes et élévateurs qui permettent une différentiation facile (avants, arrières etc.).
Vue périphérique et vue centrale
Notez, si vous ne le saviez pas que l’on peut distinguer « deux types de vue » : centrale et périphérique.
La vue dite centrale qui est une sorte de faisceau dans lequel on voit clair et net sur la zone que l’on observe. C’est la zone sur laquelle on se concentre par exemple lorsque l’on regarde quelqu’un ou quelque chose, lorsque l’on lit ou regarde un écran.
La vision dite périphérique où l’on aperçoit son environnement de manière plus globale. C’est l’espace de halo autour de la vison centrale. On aperçoit des éléments (formes, couleurs, mouvements etc...) sans vraiment s’y concentrer.
Être vigilant en vision périphérique permet de vite basculer, « spoter », sur un élément intéressant avec sa vision centrale (typiquement un autre aéronef).
Nos deux yeux permettent d’avoir une vue en relief et d’appréhender les formes et distances.
Comment entraîner sa vue ?
Nous n’évoquons pas, bien sûr ici l’aspect médical, de correction de problème de vue mais juste des idées de petits exercices afin « de mieux voir en parapente » :
- Exercices de mouvements oculaires, droite, gauche, haut, bas, roulement. Cela permet de renforcer les muscles oculaires et la circulation sanguine associée mais aussi d’améliorer la coordination et la flexibilité des yeux.
- Exercices de « Focus Switching » : passer la vue d'objets proches à lointain peut aider à améliorer la capacité de la vue à se concentrer sur différentes distances.
- Exercices d’évaluation des vitesses de rapprochement sur des objets mobiles (voitures, vélos etc.).
- Exercices liés à la vision centrale et périphérique : changer rapidement son focus sur des objets vaguement repérés dans sa vision périphérique, en bougeant ou pas la tête (ou uniquement le mouvement des yeux).
Travailler sa vision périphérique peut se faire en fixant un objet avec sa vision centrale tout en essayant de faire un état des lieux de ce qui est présent dans sa vision périphérique. Possible de le faire à deux en essayant, par exemple, de lire des chiffres, des signes ou détecter des couleurs qu’un partenaire affiche dans un coin de sa vision périphérique. Cet exercice est également mental et s’apparente à de l’attention différenciée. Un peu comme écouter plusieurs conversations ou regarder plusieurs choses à la fois. Ce que nous faisons par exemple en regardant la télévision, discutant avec quelqu’un et avec une tablette ou un smartphone en main…
- Faire du « palming », technique inventée par l'ophtalmologue américain William Bates au début du XX siècle. Cela consiste à se couvrir les yeux avec la paume des mains afin de détendre ses yeux. Vous trouverez plus d’information concernant cette technique aussi appelée « Yoga des yeux » ici ou ici accompagnée d’autres exercices oculaires.
Impossible ici en quelques lignes de lister en détail tout ce qu’il est possible de faire mais l’idée est de vous donner juste quelques éléments...
Le toucher en parapente
On pourrait limiter le sens du toucher aux doigts et à la main, à travers la prise en main des commandes, les freins. Mais on va ici un peu élargir en évoquant les différentes sensations corporelles (vent sur le visage) et kinesthésiques, notamment au niveau de la sellette. La kinesthésie est la « perception des déplacements des différentes parties du corps, assurée par le sens musculaire et par les excitations de l'oreille interne », tel que défini par le dictionnaire Le Robert.
Le toucher au niveau des commandes
On ressent le comportement de sa voile notamment à travers la pression qu’exercent les commandes sur la paume des mains (« commandes pas moles !»). Avec l’habitude on ne regarde plus autant sa voile car l’on sent directement ce qui se passe au dessus de nous grâce aux commandes.
Il arrive pour se protéger (du froid, d’éventuelles égratignures etc...) de mettre des gants. C’est même souvent indispensable dès que la température baisse avec l’altitude, au détriment de plus de sensations…Une solution est de choisir de gants adaptés au parapente et de s’y habituer.
Les sensations au niveau du corps à travers la peau et les muscles
On sent le vent et sa température sur notre visage en vol. A force, même inconsciemment, cela devient un véritable instrument de mesure de notre vent relatif (sens, vitesse, régularité etc....).
On ressent également les mouvements de la voile qui transmettent au pilote l’aérologie au niveau de la sellette. Certaines ailes transmettent plus que d’autres, avec les avantages et inconvénients potentiellement associés. On ressent la voile qui monte, par exemple côté gauche car la planchette de la sellette se soulève coté gauche. Signe que l’ascendance est à gauche et donc qu’il faut tourner à gauche (si l’on veut monter). Après avoir vu si l’espace est bien dégagé à gauche… ;-) (relief, autres voiles...)!
On pilote également en se penchant dans la sellette en exerçant plus ou moins de pression avec son corps et son bassin d’un côté de la sellette. Cela permet des virages plus harmonieux, mieux cadencés.
Au début du parapente, certains constructeurs notamment ITV, avaient mis en place des sellettes dites de pilotage qui agissaient fortement sur les axes de roulis (droite/gauche) et lacet (avant/arrière). Les élévateurs étaient directement reliés à la planchette de la sellette. Ceci avec un bridage pour éviter un surpilotage et fermetures frontales en position debout.
La kinesthésie en parapente
La kinesthésie est la perception de la position, de la vitesse et de la direction du mouvement de son corps. C'est un système sensoriel qui nous aide à comprendre la position et les mouvements de notre corps dans l'espace. Dans notre cas dans un espace en trois dimensions et lors de la pratique d’un sport de glisse.
La kinesthésie fait appel à un ensemble de récepteurs sensoriels dans les muscles, les tendons et les articulations, qui envoient des informations au cerveau sur la position et le mouvement du corps. On adapte et réadapte continuellement son pilotage à la situation.
La kinesthésie joue un rôle important dans la coordination moteur, la stabilité posturale et la conscience spatiale. C’est encore plus marqué en voltige parapente.
Comment éventuellement travailler le sens du toucher et la kinesthésie pour le parapente ?
En prenant soin de son corps, en étant réceptif et conscient de l’effet de ce « sens du toucher » sur notre pratique.
Certains sportifs de haut niveau font du tai chi, pilate, yoga, des arts martiaux, de la gymnastique, des exercice proprioceptifs adaptés, exercices de digitopression, exercices d’équilibre, petits ou gros échauffements systématiques avant pratique etc...
Nous utilisons par exemple à l’école, le plus possible, une sellette montée sur un portique, avec des poulies, pour travailler la position du pilote et simuler des virages à la commande et en se penchant dans la sellette. Cela permet, entre autres, de travailler un peu ses sensations kinesthésiques.
Les activités physiques telles que la course à pied, la nage, la marche et pourquoi pas la danse (oups!) aident à améliorer la circulation sanguine et à stimuler les récepteurs sensoriels. Cela renforce les connexions neuronales impliquées dans la perception du mouvement.
Une alimentation saine et une vie équilibrée (sommeil, sport, gestion du stress, sérénité...) aide à maintenir la santé du pilote et à améliorer la sensibilité tactile. Prendre soin de sa peau, en la maintenant propre et hydratée, peut aider à maintenir sa sensibilité et à améliorer le toucher.
L’ouïe en parapente
Beaucoup de choses à entendre en vol, à commencer par le vent relatif.
Il s’agit du vent « relatif à notre avancement ». Comme en vélo : sans vent à l’arrêt, dès que l’on avance le vent relatif apparaît lié à sa vitesse.
En montgolfière il n’y a pas de vent relatif car on est transporté dans la masse d’air, contrairement au deltaplane, planeur, avion et parapente qui se déplacent à l’intérieur de celle-ci.
Ce vent relatif nous importe en parapente car il permet à la voile de générer de la portance. Sans vent relatif, cela ne vole plus…On le ressent sur le visage mais on l’entend aussi dans ses oreilles...même avec son casque. On peut évaluer sa vitesse, sa régularité etc...On est d’ailleurs légèrement déstabilisé lorsque l’on change de casque car cela modifie un peu les perceptions sonores.
On peut aussi entendre un autre pilote s’exprimer…par exemple en cas de non respect de priorités réglementaires de vol !
On entend aussi parfois certains rapaces siffler, cela nous donne des indications sur leurs positions et sur la masse d’air. Notez aussi que le vent transporte le son et que cela peut éventuellement permettre d’avoir une indication sur l’aérologie locale. Faut-il avoir des talents de sioux pour voler comme les oiseaux… ? On pourrait imaginer quantités d’exercices permettant d’améliorer sa perception des sons mais cela serait peut être un peu tiré par les cheveux en parapente...
L’odorat en parapente
En pleine nature, en se rendant sur les aires de décollage et d’atterrissage, les plus réceptifs se régalent des odeurs des champs, des sous-bois etc...
Dans de rares cas, on peut sentir en vol des odeurs utiles au vol. Par exemple un troupeau de vaches ferrandaises ou salers, signe que le thermique part du champs où elles se trouvent. Des odeurs de fumées, d’activités humaines etc...
Le goût en parapente
Sauf à partir dans des délires à la limite du raisonnable… pas sûr de trouver un lien entre le goût et le parapente ! Ou alors après les vols, au Chalet du Puy de Dôme devant une planche de produits locaux et une bonne bière… !
Conclusion
On peut bien sûr très bien voler et apprendre à voler sans se concentrer sur ces cinq sens et leurs implications sur notre pilotage.
Les plus curieux y trouveront quelques idées et une sensibilisation au fait que notre activité est la plus simple des activités aéronautiques. Nos principaux instruments sont nos sens (et notre cerveau) même si l’on peut utiliser des instruments électroniques comme des anémomètres, GPS etc... certains pilotes ne s’y trompent pas en volant sans casque et court vêtu… au moins en été…
Si le sujet des sens vous intéresse, nous vous conseillons la lecture d’Alain Corbin, grand historien des sens … au risque de s’éloigner peut-être un peu trop de notre sport préféré...
Si vous avez des retours d’expériences liés aux sens en vol, des anecdotes parapentesques n’hésitez pas à nous en faire part, cela permettra peut-être d’enrichir cet article de blog.