La folle dérive du Thermique
Les ascendances n’effectuent que rarement une trajectoire purement verticale et uniforme en intensité. Quelques mots avec cet article de blog pour essayer de comprendre ce qui est susceptible d’influer sur la trajectoire et force de nos ascenseurs aériens…
Optimiser les ascendances thermiques en parapente
Petits rappels sur les principales formes d’ascendance utilisables en Vol Libre
Ces sujets sont largement abordés dans notre école de parapente durant votre stage initiation ou perfectionnement. Ceci à travers des cours théoriques au tableau dans notre salle de cours au chalet Flying Puy de Dôme, des explications sur le terrain, discussions sur les sites de vol et durant la pratique à travers des consignes de vol par exemple.
Pas d’inquiétude si les explications ci-dessous vous semblent un peu trop techniques. Vos moniteurs vous reparleront de tout ceci notamment durant les stages, sur le terrain face à la situation aérologique du jour….et peut être même lors de nos vols en baptême de l’air en parapente biplace.
Les ascendances thermiques
Les ascendances dites thermiques suivent généralement le cycle rayonnement, conduction, convection.
- Le rayonnement provient directement du soleil (même si il peut y avoir des phénomènes de restitution de chaleur le soir ou même de chaleur autonome, par exemple au dessus d’installation humaine générant de la chaleur).
L’intensité du rayonnement solaire varie bien sûr en fonction de l’heure de la journée, de la nébulosité (couverture nuageuse), de la saison, de la hauteur du soleil dans le ciel, de l’angle de ces rayons sur les pentes etc... Un rayon solaire rasant apportera moins d’énergie qu’un angle plus direct…
- La conduction et l’albédo (penser à conduire/transporter), pour faire simple, définissent la capacité de la surface au sol à réceptionner la chaleur solaire puis à la transmettre à l’air environnant. Un sol blanc par exemple enneigé, réfléchira le rayonnement, alors qu’un champs de blé sec ou un sol rocailleux se réchauffera plus facilement (agitation moléculaire). L’albédo définit cette caractéristique des sols...et nous donne de sérieux indices pour déterminer de potentielles sources d’ascendances en parapente.
- La convection décrit le comportement de la bulle d’air chaud ou de la colonne d’air chaud qui s’élève dans le ciel. Nous essayons en vol libre de nous placer dedans afin de monter.
Cet air ne va monter que s’il est continuellement plus chaud que l’air environnent. C’est souvent le cas au tout début de l’ascendance grâce au réchauffement solaire. Mais c’est un peu plus complexe ensuite lors de l’élévation de l’air.
A ce stade, il est important de bien comprendre la différence entre notre air chaud réchauffé par le sol et la masse d’air qui se situe autour et au dessus.
Une loi de la nature fait que l’air en montant se détend (la pression qui s’exerce sur lui est moins forte). En se détendent (baisse de pression) l’air se refroidit de 1° Celsius tous les 100 mètres verticaux (adiabatique sèche). Si vous montez en parapente dans un thermique de par exemple 400 mètres vous constaterez que la température aura baissé de 4°C. Ceci est valable hors nuages et brouillard, en cas d’ascendances dans un nuage (vol interdit en parapente) la baisse et inférieure à 1°C (pseudo adiabatique saturée) mais ne nous attardons pas la dessus pour l’instant. Vous trouverez sur notre blog cet article qui vous propose quelques explications « parapentesques » au sujet des liens entre humidité, température et nébulosité. Nous vous donnions notamment des explications au sujet du dicton météo « la masse d’air est comme une éponge dont l’avidité en humidité croit avec la température ».
Il est important de comprendre que notre ascendance pour continuer de monter doit impérativement toujours être plus chaude que l’air environnent. Les néophytes ne l’imaginent pas toujours mais une masse d’air est généralement plus froide au fur et à mesure que l’on s’élève en altitude malgré le fait que l’on se rapproche un peu et très relativement du soleil.
Une masse d’air qui se refroidit très fortement avec l’altitude permettra à notre ascendance thermique de monter très fort car le thermique sera toujours plus chaud que l’air autour.
Une masse d’air qui se réchauffe un peu en montant, cas de l’inversion de température, ou dont la température baisse peu ( -0,7°C par 100m ), bloquera notre ascendance car celle ci en baisant de 1°C/100 m se trouvera au bout d’un moment à la même température que l’air autour et n’aura donc plus aucune raison de monter.
Les caractéristiques de température de la masse d’air selon l’altitude sont analysées quotidiennement par les météorologues à l’aide de ballons sonde. Cela détermine la stabilité de la masse d’air (ne favorise pas les thermiques) ou l’instabilité de la masse d’air (favorise plus ou moins les thermiques et permet de déterminer leur puissance et force).
En météo, les emagrammes sont des graphiques construits à l’aide des infos des ballons sonde et permettent de déterminer, entre autres, quelles sont les tranches de l’atmosphère favorisant les ascendances et leurs puissances. L’emagramme permet aussi d’obtenir des infos sur l’humidité, le vent et la pression à différentes altitudes. Un vrai saucissonnage de l’atmosphère, une carte d’identité, scan de la masse d’air.
Si le sujet des emagrammes vous intéresse, n’hésitez pas à consulter ce cours en ligne, réalisé par le club de deltaplane « Grenoble Chartreuse Vol Libre » très bien fait et consultable ici.
Dans le département du Puy de Dôme, on pourra, par exemple, un jour donné, en analysant les graphiques, déterminer que l’air en dessous de 1000 mètres d’altitude est plutôt stable, puis que entre 1000 mètres et 1700 m la masse d’air est modérément instable avec un potentiel d’ascendances en milieu de journée de 4 mètres par seconde, puis que entre 1700 m et 2500 m l’air est très instable pour ensuite devenir très stable. Avec une telle situation il sera par exemple contre productif d’espérer thermiquer sur un site de basse altitude (1000 m d’altitude et en dessous), par exemple sur le site de St Sandoux
La situation, sera à priori optimale en décollant au somment du Puy de Dôme avec des ascendances modérées jusqu’à 1700 mètres un peu au dessus des antennes puis fortes ensuite jusqu’à 2500 mètres qui sera le plafond du jour….La situation aérologique sera également favorable au Puy de l’angle (altitude du décollage à 1730 mètres) dans le secteur du col de la croix Saint Robert (secteur du Mont Dore). Également favorable, mais avec un peu moins de marge (temps pour trouver une pompe) au Puy de l’Ouire ou au Puy de la Tache. Le choix des sites de vol (selon leurs altitudes) sera encore plus important dans les Alpes et les Pyrénées que dans le massif central car les amplitudes d’altitude sont plus grandes.
Ces ascendances thermiques créent un appel d’air qui génère des brises de pente ou de vallée servant à remplacer l’air éjecté vers le haut. Ces brises locales (quelques centaines de mètres ou kilomètres) différentes des vents météos qui eux ne varient pas autant entre le jour et la nuit et surtout dont l’origine est à comprendre avec les anticyclones et dépressions (échelle d’une région ou d’un pays).
Les ascendances dynamiques
Les ascendances dynamiques existent grâce à la présence d’un obstacle généralement physique (mais cela peut exceptionnellement être aussi un obstacle aérologique). Cet obstacle, généralement un relief, barre la route du vent météo qui se trouve contraint de le surmonter pour continuer sa course. Cela génère une composante verticale et donc une zone ascendante. Si le vent n’est pas trop fort, ni trop faible il suffit au parapentiste de se positionner dans cette zone pour en quelque sorte surfer sur cette vague invisible. Par situation de foehn (grand ou petit), lorsque la masse d’air est matérialisée il est possible de voir cela par exemple grâce à un de nos timelaps sur le géant d’Auvergne.
Le relief peut être une simple dune (dune du Pyla) ou bute ou une chaîne de montagne ou encore un ancien volcan éteint comme le Puy de Dôme. Ce relief est caractérisé par un certain rendement, variable selon le sens, l’intensité du vent mais aussi ses caractéristiques de densité, pression, humidité etc.
Imaginez un poteau téléphonique, celui ci barre la route du vent mais le vent le contournera facilement au lieu de le surmonter, le rendement sera alors quasi nul. A l’opposé, une large zone telle que la chaîne des puys obligera le vent à une composante verticale...Notez que la règle des – 1°/100 m (si pas de matérialisation nuageuse) d’élévation est logiquement également valable ici. Il s’agit d’une loi thermodynamique.
Merci de noter également que ce vent météo n’est pas toujours, loin s’en faut, identique en force et parfois même en sens selon l’altitude. Le vent est généralement (mais pas toujours) plus fort en montant en altitude (moins d’obstacle au sol et plus faible densité). Nos amis les aérostiers utilisent, en pilotant leurs montgolfières, cela pour se diriger. Ils changent d’altitude (leur seule capacité) pour rejoindre des vents les menant où il le souhaite…
Les sondages aérologiques par ballons sonde (5 en France métropolitaine, 2 fois par jours https://www.meteociel.fr/observations-meteo/sondage.php ), évoqués plus haut, mesurant les températures selon l’altitude et la pression mesurent aussi le vent (direction et force) selon l’altitude grâce à un simple suivi radar des ballons sonde. Des extrapolations algorithmiques, informatiques, permettent ensuite de proposer des cartes des caractéristiques verticales et horizontales de tout point du globe, en tout cas des zones couvertes par ce système...
Les ascendances thermodynamiques
Il s’agit d’un phénomène qui cumule ascendances thermiques et dynamiques. Il peut s’agir d’une addition d’un vent météo et de thermique par exemple le matin sur des faces est où l’après-midi et le soir sur des versants ouest. Il peut également s’agir d’une brise de vallée ou même de pente qui se cumule avec des déclenchements thermiques.
Les confluences
Il s’agit de deux vents de sens opposé généralement de force assez équivalente qui en se rencontrant ne trouvent pas d’autres moyens que de s’élever dans le ciel. Deux vents météos (générés par des zones dépressionnaires et/ou anticycloniques à grande échelle) qui se rencontrent de face ou d’un vent météo et une brise locale.
Ces petits rappels posés, nous allons pouvoir tenter de répondre à la question initiale de comprendre la folle dérive des thermiques. Le but final étant de pouvoir suivre l’ascendance, dans ces évolutions parfois simples, parfois tortueuses, pour monter le plus haut possible. Cette prise d’altitude permettant de planer le plus loin possible jusqu’à l’ascendance suivante...et ainsi de suite...en faisant attention de scrupuleusement respecter les espaces aériens réglementés.
Votre compréhension de la masse d’air sera donc un élément de performance mais vos capacités d’observation vous permettront également de matérialiser la masse d’air et ses différentes composantes verticales grâce par exemple au suivie du vol des oiseaux ou autres hommes volants dans le ciel. Nous évoquons cet aspect dans un article de blog consacré à la recherche d’autonomie (observation du ciel et de ce qui s’y trouve…).
La ou les dérives horizontales du thermique
Le thermique ne monte que rarement tout droit au dessus de sa source. Il lui arrive d’effectuer toute sortes de modifications de trajectoires. Le vent ou même les brises locales vont avoir tendance à incliner les ascendances.
Attention à sortir du thermique au vent et non pas sous le vent du thermique car cette zone sera potentiellement turbulente mais également le siège d’une zone descendante, gaspillant la précieuse altitude gagnée....
Si le vent météo ou la brise varie, en direction et/ou force, avec l’altitude, le thermique aura tendance à suivre ces variations. On peut par exemple imaginer décoller face est du Puy de Dôme, face à la gare de départ du train panoramique des Dômes (ou du local de l’école), monter dans le thermique dont la source se trouve sous le décollage. Le thermique se trouvera probablement décalé le long de la pente par la brise de pente qui l’incline. Imaginons un peu de vent d’ouest par exemple au dessus des antennes, le thermique s’il ne se trouve pas trop cisaillé (attention aux turbulences) sera susceptible de repartir dans l’autre sens en dérivant vers l’est poussé par le vent d’ouest. Attention dans cette configuration au risque de se trouver « sous le vent » dans une zone turbulente, sujet qui est également abordé en cours sur l’aérologie sur le terrain et au tableau.
Ce cas de figure décrit une variation de sens mais il est aussi possible si la force du vent varie avec l’altitude que l’inclinaison varie en proportion de cette variation de force…
Les variations de puissance du thermique influence la dérive en vol
Notez que la puissance du thermique le rendra plus ou moins sensibles à la dérive engendré par le vent environnent.
Plus le thermique évoluera dans une masse d’air instable, propice aux mouvements verticaux et plus il sera soutenu voir fort. Il aura alors tendance à moins subir la dérive du vent. Les matheux comprendront qu’il s’agit d’une sorte d’addition vectorielle…
Durant vos stages nous vous donnons des explications et consignes concernant les trajectoires à suivre pour rester dans ces thermiques dérivants et invisibles. Un éventuel variomètre de son bip bip vous confirmant être toujours dans la pompe. Les pilotes les plus aguerris bataillent pour noyauter les thermiques c’est à dire se placer dans la zone la plus fortement ascendante.
Conclusion
Ne vous inquiétez pas si ces premières explications vous semblent un peu complexes. Tout ceci s’appréhende doucement et progressive durant votre phase d’apprentissage en école, également même ensuite lors de éventuels vols en club et en autonomie. Les pilotes expérimentés finissent par voir tout ceci assez facilement et se baladent de thermique en thermique avec une facilité incroyable.
Nous vous recommandons la lecture des « Visiteurs du Ciel » de Hubert Aupetit ou du « Manuel du Vol libre » (FFVL/Pierre Paul Ménégoz) qui vous aideront à mieux comprendre ces phénomènes aérologiques.
On peut faire un parallèle entre les mouvements au sein d’une masse d’air et les mouvements dans un torrent, une rivière ou même la mer. A ceci près que nous évoluons dans un contexte en trois dimensions et généralement invisible sauf lorsque certains nuages, oiseaux et autres pilotes matérialisent la masse d’air.
Tout l’art du pilotage, que l’on soit plutôt un instinctif ou un analytique consistant à « imaginer le ciel », en gardant toujours de la marge de sécurité et une grosse dose d’humilité tant cet univers est complexe !